"Les yeux sont là quand ils voient - Les choses sont là quand elles sont vues."
Aldo Lanzini
Cette exposition organisée la Fondation Tanagra propose une série d’autoportraits de l’artiste portant ses propres créations de masques de tricot et de crochet. On comprend le titre qu’Aldo Lanzini a donné à cette série dès que l’on remarque le regard qui s’exprime, derrière le masque : ces yeux là voient bel et bien et c’est le spectateur qu’ils observent, droit dans les yeux, avec une expression d’une merveilleuse douceur, d’une sincérité et d’une sérénité magnétiques. Les choses, ces masques-cagoules en l’occurrence, sont bien là, réelles. Elles existent, puisque nous les voyons.
Ces stupéfiantes créations qui semblent surgies d’un monde perdu sont à la fois futuristes et totalement contemporaines. On y trouve l’évocation des parures de Papous et de ces autres peuplades dont la géographie nous échappe mais que nous avons un jour ou l’autre admirées, parce qu’elles ont gardé leur âme d’enfant. Elles évoquent ces ornements de danseurs se préparant pour une transe tribale, avec, pour chacun d’entre eux, ce fil qui les relie à un monde animal, instinctif et magique, où l’innocence n’est pas de la naïveté mais un état de grâce permanent.
Ils empruntent aussi bien aux parures guerrières, au cartoon, à la mode la plus extrême car la plus libérée de sens, au monde des grands fonds marins, des crustacés et des mollusques incompréhensibles, comme à celui des oiseaux aux plumages rutilants – la seule espèce animale, je crois, où les mâles sont toujours plus flamboyants que les femelles - et il faut bien l’être pour se lancer dans de telles transes chorégraphiques dans le seul but de séduire ces dames qui jouent les blasées en picorant çà et là.
Mais ces masques, en sont ils vraiment ? Evidemment non, puisque le rôle premier du masque est de conférer l’anonymat à celui qui le porte, de le protéger du regard de l’autre. Bien au contraire, le regard de l’artiste, à travers les mailles ou les ouvertures de ces cagoules merveilleuses, jubilatoires sans jamais être clownesques, semble nous interroger en silence : et vous, quel est votre masque ? Que l’on y croise les ombres d’Hannibal Lecter et de Elephant Man, désamorcées de toute charge morbide ou effrayante, ou encore un hommage au génial Leigh Bowery, le talent d’Aldo Lanzini, si riche, si poétique, si envoutant, est totalement personnel. Son message est d’une limpidité totale. : il est tout entier de sensualité et de pudeur et je trouve cela tout simplement miraculeux.
Lala JP Lestrade
Fondation Tanagra
1er juin 2012