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La Lala House, comme elle se présentait dans le salon bleu chez BillyBoy* and Lala, en Suisse en 2010. La décoration de la pièce imitait délibérément un intérieur de maison de poupées du Second Empire.
Une féérique maison de poupées ancienne
par Lala Jean Pierre Lestrade
Cette spectaculaire maison de poupées du XIXème siècle est une exclusivité du site de la Fondation Tanagra. Lala House est la plus grande maison de poupées de notre collection. Elle fut gardée pendant de longues années dans un garde-meuble avant d’être finalement acheminée en Suisse et installée dans son lieu actuel, où elle put enfin être restaurée, réaménagée et retrouver une nouvelle vie.
En dépit de sa taille hors du commun, il n’existe pas à ce jour, de trace, de photo ou de documentation sur son passé et ses origines. Bien que surprenant et certainement regrettable, cela est assez fréquent avec de nombreuses maisons de poupées, surtout celles qui sont l’oeuvre de particuliers anonymes et non de compagnies ou d’artisans connus pour leur fabrication de jouets et dont on peut retrouver la documentation. Mis à part celles qui ont un passé historique connu ou une provenance vérifiable, la plupart de ces témoins du passé doivent se contenter d’être expressifs sans jamais parvenir à raconter leur origine.
Quand la maison fut enfin installée dans ce qui fut éventuellement appellé la "doll room" de notre maison d'alors, elle était loin de son état actuel. Poussiéreuse, quelque peu délabrée, il émanait d’elle cette impression de désolation qu’ont souvent les maisons qui ne sont plus habitées depuis longtemps. Elle n’en était pas moins fascinante et mystérieuse. Les dégâts n’étaient cependant pas très graves. La balustrade sur le toit était en pièces détachées. A l’arrière, la peinture s’écaillait en plusieurs endroits révélant une couche de peinture grise plus ancienne.
De façon très judicieuse cependant, l’intérieur avait été protégé par des masses de papier d'emballage et journal, devenus avec le temps jaunis et craquanst. Une fois otés, les papiers dévoilèrent un étonnant ensemble de pièces, toutes avec leurs revêtements d’origine et en très bon état général. Les pièces de mobilier présentes donnaient un bonne idée de la splendeur passée de cette maison. Les chambres, la salle à manger, par exemple, avaient presque tous leurs meubles actuels, soigneusement rangés dans des boites en carton. Les rideaux et les tapis eux aussi étaient rangés dans des boites plus petites et avaient un air de fraîcheur qui fut une véritable surprise.
Conserver une maison de poupées ancienne de cette qualité est un grand privilège, une chance merveilleuse mais aussi une responsabilité. Ces objets qui furent des jouets sont aujourd’hui autant de témoins du passé dont chaque propriétaire temporel, chaque famille, chaque collectionneur, ne sont que les passeurs. On peut vraiment dire que chaque collectionneur se démarque par une approche et une exigence particulières, une façon bien à lui de comprendre et d’apprécier les pièces qu’il a pu rassembler, souvent pour des motivations très différentes. Je pense tout particulièrement à Vivien Greene (épouse de l’écrivain anglais Graham Greene), qui a su faire partager sa passion avec intelligence, finesse et esprit, à travers ses livres et de nombreuses publications sur le sujet.
J’ai eu le privilège de rencontrer Mrs Greene lors d’une visite au Rotonda Museum, situé dans son jardin d'une petite ville d'Angleterre, avec BillyBoy* au début des années 1990. Déjà assez âgée, Mrs Greene accueillait elle-même avec une gentillesse exquise, une fois par mois je crois, les visiteurs à l’entrée de son petit musée. Un simple lecteur de cassettes à piles jouait une musique de harpe et, n’ayant plus de très bons yeux, elle invitait les visiteurs à prendre eux-mêmes la monnaie de leur ticket d’entrée dans une boite à gâteaux! Le musée, rempli de trésors, connu des amateurs du monde entier, était quelque peu délabré et il fallait parfois déplacer soi-même un spot électrique pour pouvoir éclairer l’intérieur d’une maison. Détail que ne manqua pas de relever BillyBoy*, stupéfait par le contraste de ces splendeurs présentées de façon si...pittoresque
On pense naturellement qu’une telle collection aurait du être l’objet d’une concertation pour être préservée comme l'ensemble unique qu'il était, mais hélas elle fut dispersée chez Bonham’s, pièce par pièce. Véritable crève-coeur ou désastre pour certains (dont BillyBoy*), on peut aussi se dire qu'il est dans la nature des choses d'aller toujours vers d'autres destinations et de recommencer perpétuellement de nouvelles vies. Quoi qu’il en soit, on peut dire que les maisons de Mrs Greene avaient toutes un air de famille, une façon d’être, une touche parfois naïve et maladroite qui leur conféraient un charme particulier. De la même façon on pourrait reconnaître une maison de la collection BillyBoy* et Lala par la seule façon dont elle est agencée, par l’exigence apportée à l’authenticité des pièces sans tomber dans le dogmatisme ni le rigorisme et aussi par une certaine interprétation poétique de l’histoire et de l’enfance, si intrinsèquement liées dans ces objets.
Laisser telle quelle une maison qui a été trouvée sans meubles ou avec quelques pièces seulement, comme cela est souvent le cas, peut être une approche d’intégrité muséologique mais c'est rarement celle d’un collectionneur exigeant. Il est aussi vrai que les meubles et objets authentiques de maisons de poupées ne se trouvent pas facilement, même avec les possibilités d’internet. Certaines pièces, comme les lustres anciens, sont particulièrement difficiles à trouver. Découvertes ici et là, ces pièces de mobilier et de décoration peuvent attendre parfois des années avant de trouver leur place et il arrive alors que le choix se révèle si parfait qu’elles semblent avoir été là depuis toujours.
La décoration intérieure actuelle de cette grande maison est le résultat de nombreuses années de persévérance et de patience, de trouvailles et petits trésors découverts ici et là, de pièces disparates réunies par le coup de baguette miraculeux de la chance et rajoutées aux pièces d'origine dont elles complètent à merveille l’esprit et le style. Comme pour un bon cru, une certaine maturation a été nécessaire pour parvenir à l’équilibre actuel de la décoration intérieure. On n’a pas idée avec quelle véhémence deux personnes relativement intelligentes peuvent argumenter sur la place d’un minuscule gramophone en étain ou d’un vase en biscuit, à deux heures du matin!
C’est grâce à BillyBoy* que j’ai pu connaître le monde merveilleux des maisons de poupées anciennes et modernes. J'appris ainsi comment presque toutes ces maisons, conçues avant tout comme des jouets pour enfants, s'accomodent si heureusement des différences d’échelle et de styles. Cette particularité propre aux maisons les plus anciennes leur confère ce charme naif et poétique que n’ont jamais les maisons de poupées contemporaines commerciales, tant est réductrice et peu inspirée leur recherche obsessionnelle de l’échelle parfaite. Les maisons de poupées anciennes, et particulièrement celles qui restaient dans une même famiille pendant plusieurs générations, évoluaient naturellement: les meubles cassés ou perdus étaient remplaçés par d’autres, tout comme dans les vraies maisons, les générations successives pouvant apporter des modifications ou des changements de décoration. Ce n'étaient après tout que des jouets!
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